C’est seul cette année que je me rends à Bonnieux pour la troisième édition du Trail Nocturne de Bonnieux. Cette très belle course au cœur du Luberon est organisée par le club local Bonnieux Run & Bike. Après deux années d’ajustement l’organisation est cette fois rodée et accueille plus de 300 coureurs pour un trail de 25 km et 1100 mètres de dénivelé positif, en solo et en duo.
En 2012, en compagnie de Jeff, j’avais réalisé mon meilleur temps à ce jour (voir mon récit de 2012). Je compte bien l’égaler ce soir même si la forme n’est absolument pas au rendez-vous. Pas de blessure à part mon aponévrose plantaire mais plutôt un cruel manque d’entraînement et de motivation. Actuellement je tourne à un entraînement par semaine depuis 3 mois… C’est léger pour prétendre exploser des records.
Je retrouve sur l’aire de départ quelques habitués avec qui je discuterai après la course. Comparé à l’année dernière, il fait frais ce soir, autour de 4°C je pense. J’ai revêtu un collant long et un simple tee-shirt avec par dessus mon coupe vent Salomon ultra léger (70 grammes !) que j’ai toujours dans mon sac. Sur la tête ma Petzl Nao, la frontale idéale pour les trails rapides.
Le départ est donné à 17h30. Je suis positionné dans les 50 premiers mais j’y vais tranquille à un rythme de 5 min/km environ. Après un bref passage dans le village nous rejoignons la campagne par une descente bitumée. Nous la quittons pour prendre un sentier qui grimpe gentiment avant d’attaquer la première difficulté : la montée à la Tour Philippe, soit 250 m D+ sur 3 km.
Les sensations ne sont pas tops… J’ai déjà du mal à relancer. Le cardio monte rapidement dans la zone rouge et j’ai l’impression d’avoir du plomb dans les semelles. Ça m’inquiète car la montée est le domaine où je suis généralement à l’aise. Les coureurs qui me doublent me sapent un peu plus le moral. Allez ! On se reprend, ça ira mieux dans quelques kilomètres.
En effet, dès que sentier redevient plat je retrouve un semblant d’énergie et je trace dans le halo de ma frontale. Mes pensées deviennent positives. Que c’est bon d’être ici, d’être en bonne santé et d’avoir la chance de pouvoir courir ! Cette fois c’est moi qui reprends quelques places. Ça y est, je suis dans la course. Il m’aura fallut 5 km pour me sentir bien… J’ai intérêt à ne pas m’endormir si je veux grappiller les précieuses secondes perdues.
Après un bon kilomètre rapide et ludique le sentier se redresse à nouveau. Il rejoint la magnifique forêt de cèdres située à 10 kilomètres du parcours. Les 4 kilomètres de montée qui permettent de rejoindre la forêt sont particulièrement pénibles cette année. Je souffre moins qu’à la première montée mais je serre quand même les dents et j’ai hâte d’être au sommet. Décidément ce soir ma « spécialité » me fait défaut et c’est dans les descentes, là où je suis le moins bon, que je prends le plus de plaisir. Après les dents, ce sont les poings que je serre.
J’arrive enfin au ravitaillement qui matérialise l’entrée de la forêt de cèdres. Beaucoup de monde se trouve ici. Beaucoup de lumière et beaucoup de bruit aussi. Je continue sans m’arrêter car je suis finalement mieux dans ma souffrance qu’au milieu de l’agitation du ravito.
J’aime beaucoup la partie suivante. On devine autour de nous les immenses cèdres séculaires. La végétation est haute et le parcours très roulant. Nous franchissons peu après le seul passage technique de cette course : une raide descente dans un pierrier, particulièrement plaisante ce soir.
Les 4 kilomètres suivants, sur un large sentier et au fond d’un vallon, sont très rapides. Ils seront entrecoupés de quelques singles et d’une courte (mais très raide) montée qui permet de calmer le tempo et de récupérer un peu.
J’arrive à fond les ballons au kilomètre 17. Mais un coureur arrive encore plus vite. Il respire bruyamment et manque même de s’étouffer à plusieurs occasions. Mais quelle vitesse ! C’est quelques mètres derrières mon coureur asthmatique que j’emprunte désormais le GR 97. La longue descente est terminée. Le sentier remonte à nouveau, en faux plat pour l’instant, mais de façon beaucoup plus raide dans quelques kilomètres. Nous passons le magnifique chêne de Valbigonce. L’endroit est superbe. Nous sommes situés en fond de vallon et la forêt est épaisse et gorgée d’humidité. Les odeurs âpres des humus me rappellent celles des forêts bourguignonnes de ma jeunesse. Je suis bien, l’esprit rêveur m’empêchant de ressentir la pente se redresser. Mais mon coureur asthmatique me fait sortir de ma rêverie et en se parlant à voix haute. « Un gars qui me double en montée, je ne vais pas laisser faire ça ! ». Je rêve ou un jeune me lance un défi ? Je ne réponds pas mais accélère subrepticement. Il allonge à son tour la foulée. C’est un véritable combat de coqs les deux kilomètres suivants jusqu’à ce que le sentier devienne monotrace. Cette fois la pente est raide et nous marchons. Je suis devant mais je le laisse passer. Sachant qu’il a perdu pas mal d’énergie à relever son petit défi je l’aurai plus tard, c’est certain. En attendant je le laisse filer.
Cette dernière difficulté n’est pas très longue et pourrait passer en trottinant mais j’ai un petit passage à vide… Comme l’an dernier. C’est d’ailleurs le seul endroit où j’aurai des sensations similaires car tout le reste est une course totalement différente. Je réalise qu’avec Jeff on tenant une sacrée forme ! Pour l’heure je me fais violence. Je trottine au maximum pour ne pas me laisser embarquer dans un faux rythme.
Il reste 5 kilomètres. Nous rentrons dans le temps fort de la course, la phase d’accélération. Cette phase est moralement redoutable pour ceux qui n’ont pas su gérer et qui se voient doublés de tous les côtés sans pouvoir réagir. Heureusement je n’appartiens pas ce soir à cette catégorie et j’ai encore des ressources pour accélérer… Même si c’est particulièrement difficile.
Ça fonce dans les sous-bois et la meute est à mes trousses. Ne rien lâcher ! Toujours aller plus vite que ce que le corps impose. Rajouter au moteur un mélange de carburant provenant du mental pour dépasser les capacités de la machine. Les poumons brûlent, les cuisses aussi mais dans une quinzaine de minutes ça sera terminé. Allez ! Accélère bon sang !
C’est en plongeant les mains en avant que je négocie le virage suivant… Le pied droit vient de buter contre une pierre et je chute lamentablement. Je me relève rapidement mais je dois céder ma place au coureur qui me suit. Rien de grave. Je reprends mes esprits et mes incantations au « dieu vitesse » pour qu’il m’envoie une bonne dose d’adrénaline afin de survoler cette fin de course.
Retour au bitume. Encore un kilomètre… Dont quelques bonnes côtes bien raides. Les signaleurs nous indiquent l’entrée du village de Bonnieux. Le public, parsemé pour l’instant, s’intensifie à l’approche de l’arrivée. Plus qu’une côté et par n’importe laquelle ! Elle fait à peine 100 mètres mais qu’est-ce qu’elle fait mal en fin de course ! Malgré les années et l’expérience je la trouve toujours aussi raide. Par contre cette année elle passera enfin en trottinant. Yes !
Encore 200 mètres et c’est la délivrance devant la salle des fête de Bonnieux. Un peu plus tard je vois arriver mon jeune coureur asthmatique. L’expérience et la sagesse auront eu raison de la fougueuse et impatiente jeunesse.
La course aura durée pour moi 02:32’45″ dont une bonne heure et demi de souffrance. C’est 3 minutes de plus que l’an dernier avec Jeff. Au regard de mon entraînement c’est plutôt pas mal. Je suis malgré tout un peu déçu. Mais il est clair que ce soir je ne pouvais pas aller plus vite, les sensations n’étaient pas bonnes.
La déception sera vite effacée après un verre de vin local et de passionnants échanges entre traileurs dont Chanthy avec qui je n’avais pas encore eu l’opportunité de discuter. On se quitte en se donnant rendez-vous la semaine prochaine pour le Challenge Imoucha. Mon esprit quitte alors le Luberon pour se projeter au niveau de la Croix de Provence, un des sommets de Sainte Victoire. Ça y est, je suis déjà dans le prochain défi. Probablement le signe que la motivation revient. À suivre…
Crédits photos : Sandrine
Voir la trace GPS sur Movescount
Résumé Trail Nocturne de Bonnieux 2013
|
|
|
|
|
|
25 km |
1100 D+ |
02:32:45 |
29/195(10 V1M) |
152 bpm83% |
Bonnieux |
J’adore les courses nocturnes ! Je trouve ça vraiment fun de courir à la frontale. Bravo pour ta course et merci pour ce CR. Comme d’habitude, c’est toujours un plaisir de lire
En course ou à entraînement, courir de nuit en forêt, c’est le pied !
On est enfermé dans sa bulle de lumière, paisible et concentré. Tous les sens sont en éveil : La peau ressent les différences de température, on entend le moindre bruit, on renifle une multitude d’odeurs.
Question belles forêt, tu dois être gâté autour de Montréal, non ?
Oh oui il y en a mais étant donné que je n’ai pas de voiture, je ne peux pas m’y rendre… Mais nous avons au moins le parc Mont Royal, le « poumon » de la ville en plein coeur de Montréal (300m de dénivelé) donc c’est déjà bien, ça peut être très beau à l’automne ou quand la neige vient de tomber
C’est vrai que c’est génial de courir de nuit. Les sensatiosn sont décuplées. Tu as prévu quoi prochainement comme course ?
Ping : Trail du Cousson – Les routes du temps | Highway To Trail