3 jours de trekking dans le Luberon (1/3)

Premier jour :

9h43, on quitte la Tour-d’Aigues…

Grand Luberon

Pourquoi la Tour-d’Aigues ? Et bien c’est là qu’habite mon pote Ricou que je connais depuis une quinzaine d’années, avec qui j’ai débuté le trail et qui m’a initié au VTT un peu sérieux. Depuis il a un peu ralenti ses activités sportives alors que moi je les ai accélérés. Ça aura évidemment une incidence sur la suite de notre périple.

On aurait pu commencer notre trek directement au pied du Grand Luberon mais partir et revenir « depuis la maison », en mode 100% écolo, voilà une idée qui nous séduisais pas mal.

Pour rejoindre le GR9, nous devons parcourir 10 km de route qui finalement passerons très vite. Un bon moyen de chauffer les jambes et aussi la langue. A deux de front sur les petites routes secondaires du Luberon sud, on est parfaitement à l’aise pour causer et commencer à lancer nos fameux débats contradictoires qui alimenteront ces 3 jours.

Ces grandes étendues de plaines exploitées par l’homme font écho à une profession mise en lumière par l’actualité récente, à savoir les paysans. Mais on n’est pas encore assez chaud pour partir sur de longues diatribes. On réserve ça pour plus tard.

La nature est en fête en ce début d’avril. Les abondantes pluies des jours précédents rendent ce printemps particulièrement précoce. Toute la nature semble heureuse : Les oiseau, les fleurs, les arbres et même les insectes qui boudent nos pare-brise depuis de nombreuses années. Et comme Ricou et moi faisons partie intégrante de la nature, on n’y échappe pas : On ressemble à deux ados en fin de puberté qui se préparent à conquérir le monde des grands.

On parle matos… En effet, tout ce que nous portons dans le dos est neuf et pas encore testé en situation réelle. Chacun y va de sa revue de matos. On dirait deux Youtubeurs sponsorisés qui vantent les mérites de leur équipement sans même l’avoir testé. Il s’avère qu’à quelques accessoires prêts, nous avons quasiment la même chose jusqu’au sac à dos commandé, non sans quelques lenteurs postales, en Allemagne.

Ricou et moi avons épluché la totalité d’internet pour choisir le plus judicieusement notre « big four », la base de la base de la rando légère, c’est-à-dire les 4 éléments les plus lourds et encombrants. A savoir : Le sac à dos, la tente, le duvet et le matelas.

Je pensais avoir tout vu en termes de profusion de produits techniques avec le trail running et le cyclisme… L’offre commerciale que propose le trekking est pas mal non plus… Vous trouvez autant de produits que d’options sur une Audi ! D’autant qu’avec Internet la concurrence est internationale. Il faut reconnaître que les grands gagnants de la discipline sont les américains. Habitués au « thru-hiking » (des randonnées longues distances) les fabricants de l’oncle Sam ont développé des produits avec plus d’ingénierie qu’un Boeing 787 !

Le problème est que ces produits sont très chers… Avec le tarif d’une tente conçue aux USA vous pouvez vous offrir plus d’une vingtaine de nuits en refuge, avec en bonus la certitude de mieux dormir. Ça fait réfléchir… Par contre c’est le top ! J’entends par « top » super bien conçu et ultra léger. Le randonneur moderne comme le cycliste sur route partagent la même obsession de la légèreté. Tout est pesé au gramme prêt. L’idéal étant de ne pas dépasser le poids symbolique des 10 kg.

Je reviendrai forcément sur le matériel tant celui-ci a alimenté nos échanges, à l’instar de nos deux adolescents qui mesurent leurs attributs pour savoir qui a la plus grande (ici en comparaison l’équipement le plus léger et fonctionnel). On veut se la jouer un peu écolo mais il faut reconnaître qu’on n’efface pas en trois jours une cinquantaine d’années d’accumulation de biens.

Grand Luberon

Deux heures plus tard nous voilà enfin en route vers le sommet du Grand Luberon. Le parcours que j’avais tracé sur IGN Rando avec soins vient se perdre dans un amas de sapins calcinés. L’endroit est énigmatique. Comment la forêt a pu brûler sur plusieurs petites zones strictement délimitées ? Nous retiendrons la théorie de plusieurs impacts de foudre qui semble la plus plausible.

La pente s’accentue. Après avoir croisé une source d’eau improbable, nous arrivons rapidement au sommet du Grand Luberon. On a beaucoup parlé d’eau aussi, pour la simple raison qu’on n’en a jamais autant vu dans la région. Si ça peut nous faire gagner 5 ou 10 ans avant la fin de monde, je signe tout de suite !

Grand Luberon

Au sommet du Grand Luberon on ne l’est jamais vraiment en réalité. En effet, suivre les crètes vous oblige à faire les montagnes russes. Et comme on a 4 km de crètes, on a 4 km de montagnes russes. De quoi rendre son déjeuner qu’on n’a pas pris…

On attaque enfin la descente côté nord pour rejoindre Vitrolles-en-Luberon. C’est fou comme d’un versant à l’autre la végétation peut changer radicalement. L’ambiance méditerranéenne du versant sud laisse ici place aux chênes, à la mousse et à des cailloux polis par des milliards d’années d’ennui sans soleil. On a l’impression qu’une simple ligne de crêtes séparent la Provence des Ardennes. No offence, hein ! C’est très beau aussi les Ardennes.

On traverse le village de Vitrolles-en-Luberon sans une âme qui vive, à part un couple de retraité qui profite de leur jardin et du peu d’ensoleillement que l’orientation de leur maison permet, c’est-à-dire pas beaucoup… Aucune fontaine dans le village. Pas grave, on est confiant. On trouvera de l’eau plus loin car si vous avez bien suivi le Luberon de ce début d’avril 2024 n’en manque pas.

Tiens justement ! Quelques kilomètres plus loin le sentier est coupé par un torrent visiblement récent… C’est donc l’occasion de baptiser nos filtres à eau. Pour le coup, Eric et moi avons fait deux choix de filtres différents. C’est celui qui aura le mieux argumenté avec la plus grosse mauvaise foi qui gagnera la reconnaissance éternelle de l’autre. On se marre bien tout en s’accordant notre première petite pause après 6 heures de marche qu’on n’a pas vu passer.

Nous alternons ensuite une succession de DFCI insignifiants et de singles grandioses. Une heure après le sentier s’aventure dans un mini canyon, normalement à sec. Plus on avance, plus l’eau coule abondamment jusqu’à une portion qui nous oblige à retirer nos chaussures. Rien d’extraordinaire à ça sauf qu’on est arrivé à enlever chaussures et chaussettes, puis remettre chaussettes et chaussures sans enlever nos sacs… Sans tomber ou vivre ce truc super énervant de perdre l’équilibre et de se rattraper en posant le pied propre dans la terre dégueulasse alors qu’on visait la chaussette… On a tous vécu ça au moins une fois, non ? Bref, on est des dingos, des vrais aventuriers 2.0 qui n’hésitent pas à se mouiller et braver le danger !

A l’approche de Montjustin nous traversons une grande ferme qui, de loin, ressemble plus à un taudis. L’endroit est très joli mais malheureusement gâché par un amas déstructuré de vieilles pierres, de briques et de tôles ondulées. La fermière vaque devant ce qui semble être sa demeure ou son lieu de travail (ou les deux). Elle est jeune et a une bosse dans le dos… My God ! Nous traversons sûrement un endroit maudit ou des générations de consanguinité ont ravagé les personnes qui y vivent.

Non, fausse alerte… Elle porte simplement son bébé dans le dos.

Je serai immédiatement puni par notre divin protecteur d’avoir eu cette mauvaise pensée envers les gens de la terre. Effectivement, au moment même ou sa bosse prend l’apparence de son enfant, je vois deux Patous sortir de la grange. Quand je parle de grange, il faut plutôt imaginer un garage louche comme on peut en trouve dans la zone industrielle de Vitrolles (pas en Luberon, mais le Vitrolles prêt de Marignane). Je ne sais plus si j’en ai déjà parlé mais j’ai peur des chiens. Je suis soudain figé, d’autant que la maman à bosse ne semble pas être particulièrement respectée par ses bêtes. Elle a beau les appeler, ils viendront quand même nous renifler. Heureusement Ricou, l’homme qui parle aux oreilles des Patous, arrive à rassurer tout ce petit monde, surtout moi.

Heureusement une belle montée jusqu’au village de Montjustin arrive au bon moment pour calmer ma colère générée par la peur que je viens de vivre. La beauté du village me permet même de retrouver rapidement ma sérénité habituelle. Elle sera toutefois de courte durée car Eric m’annonce qu’il serait quand même bien de commencer à trouver un lieu de bivouac. Même si j’ai à cet instant l’esprit totalement ailleurs, je reconnais qu’il a raison.

A quelques mètres du cœur du village perché se trouve un terrain de football. On quitte temporairement de notre parcours pour aller voir l’emplacement de plus près. Il est parfait ! L’herbe est grasse et d’un vert presque fluo. Le problème c’est que squatter un terrain de foot alors que la nature sauvage nous entoure ça ne fait pas vraiment « Into The Wild » et, reconnaissons-le sans discrimination aucune, un peu gitan.

Grand Luberon

Nous prenons la décision de sortir du village pour trouver un coin pour poser nos tentes rutilantes qui sentent le neuf. Il se passera près de 4 heures pour trouver enfin un emplacement digne de permettre à vos aventuriers préférés de se reposer.

Nous chercherons en vain un spot de bivouac sur les crètes qui surplombent Céreste. L’inconvénient d’une crête est qu’elle est soit pleine de cailloux, soit pas plane du tout, soit les deux à la fois. Si vous analyser bien la trace sur Strava, on peut facilement croire que j’ai été victime de diarrhées intempestives m’obligeant à quitter le sentier à de nombreuses reprises. Il n’en est rien, « Monsieur Plus » (moi, comme m’appelle ma femme dès qu’on va marcher ensemble) s’obstinait à passer d’un versant à l’autre de la crête pour trouver l’emplacement rêvé.

Les verts pâturages à quelques kilomètres de Céreste nous semblent l’endroit idéal. Nous accélérons le pas pour y arriver. Malheureusement une fois sur place nous faisons le triste constat qu’il s’agit de champs labourés et que depuis la guerre de 14/18 c’est nettement moins tendance de dormir dans une tranchée.

Je regarde sur Google Maps les potentiels endroits où se poser. Ici du vert derrière le cimetière de Céreste, là une chapelle.  C’est bien les chapelles ! Y’a souvent de l’herbe autour des chapelles et puis c’est rare de se faire chasser à coup de fusil par un curé. Let’s go mon Ricou !

Effectivement, c’est bien vert derrière le cimetière mais c’est aussi plein de ronces et particulièrement glauque. Quant à la chapelle nous la trouverons que le lendemain…

En désespoir de cause on s’accroche à notre itinéraire comme on s’accrocherait à une corde pour ne pas tomber dans le vide. Mais comme dans tous les bons films d’aventure, l’espoir surgit toujours quand les héros sont au fond du trou !

Devant nous une dame se promène avec son petit. Nous la rattrapons facilement (s’il eut été l’inverse nous serions de piètres randonneurs). Je lui demande alors si elle connait un endroit pour poser une tente (enfin deux) sans déranger la quiétude des villageois. Elle nous répond qu’à 200 mètres nous verrons un pont romain sous lequel se trouve une étendue herbeuse où les locaux viennent pique-niquer. Nous sommes sauvés ! Ce n’est pas pour ce soir que nous basculerons dans le vagabondage.

L’emplacement est effectivement parfait ! L’unique inconvénient est la proximité d’une rivière qui promet une nuit humide. On s’en fout, on est bien !

Ricou mettra moins de 10 minutes à installer sa tente. J’en mettrai 20 de plus. Je suis comme ça, j’aime profiter du moindre geste… quitte à le refaire plusieurs fois pour kiffer encore plus.

La nuit tombe et on peut enfin se restaurer. Pour moi ça sera un plat lyophilisée « viande hachée et purée ». Miam ! Franchement c’est très bon et rapide à préparer. On dinera en se félicitant de nos choix de popottes et réchauds. Sérieusement, avec l’équivalent en volume d’une grosse pomme vous avez tout ce qu’il faut pour réchauffer, boire et manger.

Nous regagnons nos tentes respectives. Avant de souhaiter bonne nuit à mon Ricou je fais le malin et le chambre d’avoir choisi une deux places qui me permet d’être à l’aise et donc de passer une meilleure nuit. Ça sera tout l’inverse…

Le matériel n’y sera pour rien. C’est moi le problème. Pas moyen de fermer l’œil, ça me le fait toujours les premières nuits hors de chez moi, même dans un 4 étoiles. Elle est loin la période de mon Service Militaire ou je pouvais m’endormir absolument partout… La vieillesse n’est pas qu’un naufrage, c’est aussi une insomnie.

Lire la suite : 3 jours de trekking dans le Luberon (2/3)

Bilan de la journée

Distance

Dénivelé

Chrono

Lieu

38 km

1426 D+

9h57

La Tour d’Aigues

Photos : Frédéric Prost

Suivre la trace GPS sur Strava

2 réflexions au sujet de « 3 jours de trekking dans le Luberon (1/3) »

  1. Sacrée première journée ! Étrangement, « Monsieur plus » me rappelle de douloureux souvenirs d’enfance lors de nos randonnées. xD

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