3 jours de trekking dans le Luberon (3/3)

Troisième jour :

10 minutes avant la sonnerie de mon réveil, Ricou me demande depuis sa tente si je suis réveillé. Si j’ai toujours aussi mal dormi, par contre j’ai l’impression d’avoir eu des phases de sommeil plus longues et réparatrices.

Grand Luberon

Nous levons le camp à 7h40 sans prendre le temps du petit déjeuner. Nous ne souhaitons surtout pas rencontrer l’exploitant du verger. Nous trouverons bien un endroit où prendre le café avant la montée du Grand Luberon.

Le GRP qui nous emmène au pied de l’imposant massif est grandiose. Nous marchons sur un sentier en sous-bois, bordé de chaque côté de vieilles pierres moussues. Un « mur de la peste » comme aime à l’appeler mon érudit de Ricou. Avec l’ambiance matinale on se sentirait presque dans une forêt de la Terre du Milieu ou dans une vallée humide qui borde le château de Winterfell. C’est féérique, au sens médiéval du terme.

Grand Luberon

Grand Luberon

Grand Luberon

Nous passons la Combe de Bade Lune (quel joli nom !) puis le la Vallon de Petarelle qui rivalise de beauté avec le paysage précédent. La tour télécom, plantée au sommet du Mourre-Nègre (quel drôle de nom !), nous semble désormais toute proche. Le point culminant du massif de Luberon, perché à 1125 mètres, ne nous a pratiquement jamais quitté des yeux durant ces 3 jours.

A l’approche d’une ferme isolée, deux chiens se dirigent vers nous. Je bifurque rapidement à gauche pour éviter tout contact en laissant le privilège à Eric, quelques dizaines mètres derrières, de faire les présentations. J’entends au fond des bois deux autres aboiements qui se rapprochent. J’ai 100% confiance à Eric. Quatre chiens à gérer, c’est largement à sa portée. Si besoin, je serai à bonne distance pour appeler les secours. Soyons pragmatique, quel intérêt de se faire attaquer ensemble, quand un seul de nous deux fait largement l’affaire ?

Comme je m’en doutais, Eric ne sera nullement inquiété par les chiens qui désiraient seulement manger son mélange de fruits secs. Ricou c’est le Docteur Dolittle de la Tour d’Aigues, tous les animaux viennent y boire l’apéro. Parlant d’animaux, j’en ai vu et entendu quelques-uns, dont un pivert qui tambourinait joyeusement à l’intérieur d’un tronc. J’ai regretté de ne pas avoir eu la présence d’esprit d’enregistrer sa session de percussion, tant elle aurait pu être source d’inspiration pour nos tristes musiciens de rue à sarouel.

La pente s’incline sévèrement, la terre sous nos pieds se transforme en petits cailloux de calcaire blanc. Le sentier serpente sous un tunnel de buis. Je reconnais cet endroit que j’ai déjà emprunté lors du Trail du Grand Luberon. Si mes souvenirs sont bons, on est sensé remonter plus loin un pierrier incroyablement raide. Bingo ! La tête de Ricou se transforme à la vue du pierrier. Une bonne prise d’oxygène et c’est parti, droit dans le pentu. J’adore !

Avant l’approche du sommet, le magnifique sentier rejoint malheureusement un horrible DFCI, lisse comme un tapis de billard. Je croise un trekkeur qui se lamente de ce passage, me demandant si le chemin est dans cet état jusqu’en bas. Non ! Il trouvera bonheur là où Ricou a faillit perdre un poumon. Le bonheur des uns…

Grand Luberon

Au sommet du Grand Luberon, nous faisons quelques montagnes russes avant de redescendre, direction Cucuron, par le vallon de la Glacière. Autant le dire de suite, c’est probablement le sentier le plus moche et interminable du massif. Il a récemment été agrandi au bulldozer… C’est immonde ! Un sentier toutefois à noter et à conseiller à ses pires ennemis pour être certain de ne plus jamais les revoir dans la région.

Le soleil tape fort à l’approche de Cucuron. Une fois sur place on prendra le temps de boire un verre en terrasse et de se restaurer. Le retour à la civilisation est un peu étrange. Ça parle fort autour de nous. On se croirait dans une comédie de Raimu ou chaque acteur y va de sa réplique, certes drôle mais d’un autre âge. « Tu as acheté ces fraises au marché ? Attention le vert il ne faut pas le manger ! » (Rires).

Il nous reste une quinzaine de kilomètres pour finir notre périple, ils ne seront pas les plus beaux. Certes, les paysages du sud du Luberon sont superbes mais les pénibles portions de route sont nombreuses.

Pour briser la monotonie de la route, nous commentons l’environnement que nous traversons, notamment les immondes exploitations agricoles en tôles ondulées qui gâchent le paysage, telles des verrues sur le visage. Pourquoi l’état impose la couleur des volets, la forme des tuiles, le choix des matériaux de certaines habitations classées, alors qu’il laisse bâtir ce type de structure qui fracture l’œil à chaque regard ? « Parce que les paysans nous nourrissent ! » lâche mon Ricou avec une volonté non dissimulée de provocation.

Le mot est lâché ! Effectivement, le « on vous nourrit » que la FNSEA aime à répéter ad nauseam est l’équivalent d’un totem d’immunité à Koh-Lanta qui permet d’agir en toute impunité. Pour un esthétisme paysan, mon délire imaginé la veille prend tout son sens. On devrait forcer les gens de la terre à avoir bon goût et à marier le fonctionnel au beau. Bref, un bon moment de rigolade ou l’absurde de nos propos laisse parfois place à quelques réflexions de bon sens.

Grand Luberon

Enfin un peu de montée pour conquérir le superbe village, perché évidemment, d’Ansouis. Incroyable la beauté de ces villages. Le Luberon n’usurpe absolument pas sa réputation malgré son petit côté musée à ciel ouvert. Depuis plus de 30 ans que j’habite Aix et ses environs, je me rends compte que j’avais encore énormément des lieux à découvrir dans le département voisin.

Nous descendons d’Ansouis pour attaquer la traversée de la forêt des Pâtis qui sera aussi le dernier passage à fort dénivelé. Nous retrouvons ensuite nos madeleines de Proust à nous, c’est-à-dire oliviers et champs de lavande à perte de vue. Pertuis est visible au loin nous alertant que la fin du chemin est proche.

Il restera toutefois un évènement marquant à quelques encablures de la Tour d’Aigues. Une erreur de tracé GPS nous oblige à traverser un domaine viticole. Bien évidemment nous sommes accueillis en plein milieu par un Patou. Quelle ironie du sort… Mourir dans d’atroces souffrances si près du but !

En fin de compte tout va bien, cette grosse bête est adorable et manifestement heureuse d’avoir de la compagnie.

Par contre elle ne veut pas nous lâcher. Même en dehors de la propriété, elle nous suit sur plusieurs centaines de mètres. On aura tout essayé : Donner énergiquement l’ordre à l’animal de faire demi-tour, donner gentiment l’ordre, faire semblant de rebrousser chemin, se cacher dans les fourrés, rien à faire… Cette adorable femelle nous devance fièrement de quelques pas, s’assurant régulièrement qu’on marche bien derrière elle. Il faudra l’intervention d’une passante à vélo pour détourner son attention. On en profite pour piquer un sprint (tout relatif) et semer le toutou touffu.

On aperçoit désormais distinctement les ruines du château de la Tour d’Aigues qui symbolise la fin de notre escapade luberonnaise. A l’entrée du village, ma montre GPS indique 39 km. J’ai l’irrépréhensible envie d’un rajouter un de plus au compteur pour obtenir un chiffre rond. C’est d’ailleurs une obsession sur mes sorties sportives (dois-je consulter ?). Voyant l’état des pieds de mon Ricou je n’insisterai pas, préférant passer avec lui le portail de sa maison plutôt que de risquer de perdre une amitié de 15 ans.

Bilan de la journée

Distance

Dénivelé

Chrono

Lieu

29 km

801 D+

7h48

Saignon

Bilan des 3 jours :

107 km et 3568 m de D+ en près de 28 h.

Les trois mois d’entrainement intensif portent clairement leurs fruits. Je me sens inarrêtable en montée, rapide en descente et en roue libre sur le plat. Passée la gêne du poids du sac les premières heures, les kilomètres s’enchainent plutôt bien.

C’est rassurant pour la suite. A la différence que ce n’est pas sur trois jours que je devrais maintenir ce nombre de kilomètres, mais sur plus de trois mois !

Ça, c’est une autre histoire… Stay tuned !

Photos : Frédéric Prost

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3 réflexions au sujet de « 3 jours de trekking dans le Luberon (3/3) »

  1. Ping : 3 jours de trekking dans le Luberon (2/3) | Highway To Trail

  2. Quel récit entrainant et plein d’humour ! Effectivement, il faudra redoubler de ruse avec les Patous dans ce fameux trek de 3 mois. Hâte de lire la suite !

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